Je crois que c'est la douleur et la déshydratation qui m'ont forcé à me lever ce matin là. La veille, je commis l'erreur de vouloir suivre Huggy à une partie de tonk picard : celui qui perd doit siffler un verre de fine cul sec et hier soir, il y eu beaucoup de parties et je n'ai pas eu la main très heureuse. Mais bon, c'était la façon que les gars avaient trouvé pour me faire leur au revoir. Non pas qu'ils partaient mais moi, je devais plier bagages avant midi pour pouvoir récupérer le navire en partance pour le sud.
Oui, moi, devoir quitter mes frères plusieurs mois, je n'aurais jamais cru ça possible. Mais c'est pourtant ce que l'autre avorton, bouffeur de rat et accessoirement capitaine de la compagnie, m'avait annoncé avec un grand sourire à notre dernière réunion :
- Bleys, je ne sais plus si tu es au courant, mais les autres officiers et moi même t'avons désigné pour partir à Pharisis, afin que tu y suives les bases de ton métier...
- mais bordel Lei !! C'est quoi cette connerie ?? Vous croyais que...
- chut !! On ne parle pas comme ça à son capitaine et..
- mais ta gueule ! Tu crois que j'vais m'casser comme ça du jour au lendemain ?
- mais non, tu ne pars pas demain, mais dans 3 jours. Ta place sur "la redoutable" est réservée. Tu verras, tu auras une jolie cabine avec un bel hamac.
- putain de...
- non, ne me remercie pas bleys. De toutes manières, le coût de ton transport et de ta formation sera retenu sur ta solde.
Je crois que c'est à ce moment là, que le sergent Ico m'a agrippé par derrière afin de m'empêcher d'étrangler notre chef favori et qu'Arakor m'assena un violent coup de gourdin sur la nuque. Les autres officiers regardaient la scène avec un regard amusé pour certain et absent pour d'autres.
A mon réveil, je me tenais sur ma couche. Le crâne endolori par ce coup reçu et le ventre noueux à l'idée de devoir laisser mes frères. Cette formation, ça fait longtemps que j'en entend parler. Parait il qu'on y forme les rebouteux à des méthodes de rééducation et des confections de drogues nécessaires pour les cas où la magie ne peut rien faire : et les champs de bataille m'ont montré qu'il y a énormément de cas et que même si l'on a de son coté les meilleurs prêtres, druides et/ou chamans, une jambe brisée en quatre ou une épaule déboîtée ne se soignent pas en invoquant la nature mère, en tapant des doigts ou en dansant autour d'un feu. Bref, cette formation de quelques mois enseigne un peu de manière et de théorie aux bouchers barbares que nous sommes. Aussi cette formation n'est-elle pas forcément superflue et au moins, cette période d'éloignement me permettrait de revenir neuf et plein d'histoire à raconter et à entendre; même si quitter cette bande de coupe jarret, de voleurs et de vauriens que sont mes frères d'arme est toujours quelques choses de difficile car malgré leurs cotés taciturnes et violent, ils restent tous de bons gars fiers de servir sous notre bannière.
D'ailleurs, hier soir, avant cette mémorable partie, nombres d'entre eux m'ont offert divers présent, des babioles sans aucune valeur pour ainsi dire, des petits bouts de bois représentant des totems miniatures et représentant de fausses divinités, une pipe d'écume, un gobelet en cuivre, une cape en peau de loup...etc. Plein d'attention sympathiques et touchantes mais qui me forcerait à faire de mon sac à dos, une malle si je devais tout emporter. Je décidais donc de garder l'essentiel, de bons moments en souvenir, de bons fous rires, des explosions de joies, des emportements et quelques frustrations du champs de bataille. Je décidais de laisser le reste à nos mules bien aimées au cas où cela pu être utile à mes frères.
Mon sac prêt, j'allais faire un dernier signe à mes proches compagnons, à qui , à tort ou à raison et avec un peu d'orgueil je dois l'avouer, mon absence allait pouvoir peser...quelques temps au moins. Je préparais mon loup, et une fois sellé, je parti sans un regard en arrière comme quand on part en patrouille à la différence que cette fois, la patrouille allai durer 5 mois.